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L’Héritage de Charlemagne 814 - 2014 L’Héritage de Charlemagne, 814 - 2014 L’Héritage de Charlemagne 814 - 2014 sous la direction de Dirk Callebaut — Horst van Cuyck Gouvernement provincial de Flandre orientale 2015 Á Monsieur Horst van Cuyck (1939-2014), en souvenir reconnaissant. Son exceptionnel soutien, aux côtés de son épouse Caroline Gräin von ArcoZinneberg, a rendu possible la réalisation de cet ouvrage. 4 Avant-propos En 1990, une importante découverte eut lieu à Ename (Belgique). A l’occasion de sondages efectués par les archéologues au pied de la tour ouest de l’église Saint-Laurent dans le but de découvrir l’origine des issures apparues dans la tour, on mit au jour des fondations non pas endommagées mais bien celles, robustes, d’une église plus ancienne. Si cette découverte ne présentait en soi rien d’exceptionnel, elle s’avéra cependant remarquable en raison du contexte même de l’édiice. Au cours de la seconde moitié du 10e et de la première moitié du 11e siècle Ename avait été le centre d’un margraviat de l’empire ottonien, jouant un rôle de premier ordre dans la vallée de l’Escaut. Dès 1982 déjà, des fouilles de grande envergure avaient été entreprises sur le site par l’Institut du patrimoine archéologique (depuis lors Agence pour le patrimoine immobilier - Agentschap Onroerend Erfgoed) en collaboration avec la Province de Flandre orientale et la ville d’Oudenaarde, et c’est au moment même où le passé archéologique d’Ename focalisait toute l’attention que l’on mit au jour cet édiice hors du commun, remontant au Haut Moyen Âge. Des recherches interdisciplinaires furent alors mises sur pied, rassemblant archéologues, historiens, historiens de l’architecture et spécialistes des sciences naturelles. Les résultats ne se irent pas attendre : l’église Saint-Laurent se révéla l’une des églises de l’an mil les mieux conservées de Belgique. Mieux encore, son double chœur, ses niches aveugles et ses prestigieuses fresques, parmi lesquelles une Majestas Domini de style byzantin, en faisaient l’exemple par excellence d’une architecture d’importation se référant directement, entre autres, à Ravenne et à Aix-la-Chapelle, deux des hauts lieux du Haut Moyen Âge. Ce qui semblait n’être, au premier abord, qu’un témoignage d’architecture locale, revêtait soudainement une dimension européenne. La décision fut donc prise de restaurer ce lieu de prière en grande partie dans son état original. Le rayonnement de cette « nouvelle » église ottonienne fut l’incitant qui permit de dépasser les frontières de la recherche locale et régionale pour entamer une collaboration sur le thème du Haut Moyen Âge en Europe. Ce premier pas fut franchi avec d’autant plus d’enthousiasme que Velzeke, situé à environ 13 kilomètres d’Ename, possédait également des vestiges d’une église impériale ottonienne. Dans un premiers temps, deux colloques internationaux ont été organisés, respectivement à Metz, Luxembourg et Trèves puis à Bruxelles, Gand et Ename. Les données scientiiques furent rassemblées et publiées. Vint le moment, en 2009, de divulguer au public cette somme de connaissances. Dans le cadre du programme culturel 2007-2013, un projet « Cradles of European Culture (Berceaux de la culture européenne-CEC) » fut déposé, puis approuvé en 2010, classé deuxième parmi quarante propositions. Ain de réaliser l’ensemble de ce projet, qui court de 2010 à 2015, un partenariat réunissant trente instituts du patrimoine, centres de recherches, universités et musées appartenant à dix pays européens fut alors mis en place. Tout le déi de ce programme consiste à évaluer la capacité du patrimoine culturel à familiariser le citoyen avec l’histoire globale de l’Europe et l’amener ainsi à une meilleure compréhension de ce qu’est l’Europe actuelle. Ce concept peut-il conduire le citoyen à être plus européen ? S’il est encore trop tôt pour répondre à cette question, il apparaît néanmoins que le projet « Cradles of European Culture » peut contribuer à conscientiser les citoyens aux réalités de l’Europe et faire en sorte que les plus critiques d’entre eux se sentent Européens. C’est dans le but de difuser ces idées et ces réalités qu’une exposition internationale itinérante a été mise sur pied. L’angle d’approche de l’exposition n’est pas innocent. Le il conducteur est l’efort séculaire que poursuit l’Europe ain de L’Héritage de Charlemagne, 814-2014 5 créer l’unité entre les diférentes populations qui la composent. Mais ce propos d’actualité dissimule un récit exceptionnel et passionnant, qui sert de thème à l’exposition « L’Héritage de Charlemagne, 814-2014 ». Le point de départ en est l’histoire méconnue de la Francia Media, l’empire carolingien médian issu du traité de Verdun en 843 lorsque l’empire uniié de Charlemagne it l’objet d’un partage entre ses trois petits-ils. Ce morcellement déterminera le cours ultérieur de l’histoire de l’Europe occidentale puisque la Francia Occidentalis deviendra la France, la Francia Orientalis l’Allemagne. La Francia Media se situe entre ces deux territoires. Zone de transit de grande importance, elle relie la mer du Nord à la Méditerranée tant du point de vue de l’économie et de la technologie, que sur le plan des arts et de la communication. Avec ses royaumes de Lotharingie, de Bourgogne et d’Italie, avec son axe Aix-la-Chapelle-Rome, la Francia Media n’est pas abordée dans cette exposition comme une entité isolée, mais bien par le biais de la relation qu’elle entretient avec les régions qui lui sont limitrophes en Europe du sud-est (la Croatie et la Slovénie) et en Europe centrale (la Tchéquie et la Slovaquie). L’ensemble de ces territoires forme ainsi un cas d’étude permettant une meilleure compréhension des diversités germanique, romane et slave en Europe mais aussi de l’impact que ces diversités eurent ultérieurement sur les aspirations et les tentatives unitaires. Ain de concrétiser ces données au sein du projet européen, des sites patrimoniaux renommés choisis dans neuf pays d’Europe ont été réunis en un réseau qui s’étend de la mer du Nord et de la Méditerranée, d’une part, à l’Europe centrale d’autre part. L’exposition itinérante « L’Héritage de Charlemagne, 814-2014 » est le fruit de cette collaboration. Elle survole quelque 2000 ans d’histoire, allant de l’Empire romain et de l’Empire de Charlemagne, que le partage va bientôt morceler, aux conlits mondiaux du XXe siècle et à l’Europe nouvelle née après 1945, en passant par le rêve des ducs bourguignons et l’appétit de conquête de Napoléon. L’exposition confronte le visiteur à la nostalgie du passé romain et carolingien, au pouvoir de la culture, à l’usage et aux abus de l’histoire, aux forces divisionnistes et uniicatrices à l’œuvre en Europe. En tant que député de la Culture en province de Flandre orientale, je me suis senti d’emblée profondément concerné par la réalisation de cette exposition. Je suis donc particulièrement heureux que le Centre patrimonial d’Ename soit le premier lieu à accueillir cet événement dont le message sera porté ensuite vers d’autres pays tels la France, la Tchéquie et l’Italie. 6 Mes remerciements s’adressent aux membres du comité de patronage et à leur président, le président du Conseil de l’Europe Herman Van Rompuy, pour l’intérêt manifesté et l’aide qu’ils apportèrent à la réalisation de « L’Héritage de Charlemagne, 814-2014 ». Que tous ceux qui, dans les neuf pays européens participants, se sont engagés dans le projet CEC et se sont investis pour donner à cet événement une dimension internationale exceptionnelle trouvent ici l’expression de ma considération et reçoivent mes vives félicitations. Toute exposition, si elle n’est accompagnée d’une publication, ne connaît qu’une existence éphémère. C’est la raison pour laquelle nous avons consacré une attention toute particulière au présent catalogue. Il ne s’agit pas d’un catalogue d’exposition classique, comprenant un texte de synthèse et un inventaire des objets présentés. Cet ouvrage, nous l’avons conçu comme un livre présentant un récit continu allant de l’époque romaine jusqu’au XXIe siècle, faisant la part belle aux interactions culturelles à l’œuvre au cours des siècles. C’est pourquoi les illustrations ont été l’objet de tous nos soins. Je voudrais donc exprimer ma gratitude à la Commission européenne ainsi qu’à tous ceux, auteurs, graphistes et responsables techniques, qui ont contribué à la réalisation de cette magniique édition. Je tiens à remercier tout particulièrement Dirk Callebaut et les partenaires de CEC qui ont porté ce remarquable événement, développé le concept de base de l’exposition et assumé la responsabilité de la rédaction déinitive de cet ouvrage ; Antoon Jaminé, qui prit en charge la mise en page et les corrections de ce livre ; Véronique Lambert, qui s’est investie dans la rédaction d’articles ; Marie-Claire Van der Donckt qui, entourée de son équipe, assura la réalisation concrète de l’exposition. Je suis également redevable envers Monsieur Horst van Cuyck qui, aux côtés des instances provinciales de la Flandre orientale, s’est engagé comme principal sponsor de cette publication prestigieuse. Que ce très beau livre, « L’Héritage de Charlemagne, 814-2014 » soit le garant du retentissement fructueux que ne manquera pas de connaître l’exposition ! — Jozef Dauwe Député de la Culture de la Province de Flandre orientale. Cradles of European Culture (CEC) Berceaux de la culture européenne Un projet européen Par quel moyen l’Europe peut-elle se faire plus proche de ses citoyens ? La politique européenne, qui accorde de plus en plus d’importance aux valeurs culturelles qui nous rassemblent, est à la recherche d’un nouvel élan. Dans cette perspective, le patrimoine peut être considéré comme une force motrice, capable de promouvoir, soutenir et encourager le processus d’intégration européenne. Le Programme culturel 2007-2013 de l’Union européenne rejoint cette volonté de compréhension mutuelle en soutenant, par-delà les frontières, des projets qui focalisent l’attention sur la diversité culturelle de l’Europe et représentent une valeur ajoutée pour notre patrimoine culturel communautaire, grâce au développement de collaborations entre opérateurs culturels et institutions. C’est dans ce cadre que le projet « Cradles of European Culture » (CEC) a été sélectionné. Ce projet, en cours de réalisation depuis cinq ans déjà, trouve son origine dans un cas d’étude particulier, celui du royaume de Francia Media qui, de 850 à 1050, s’étendait au cœur de l’Europe, de la mer du Nord à la Méditerranée. Le choix de ce propos se justiiait pleinement, en efet, car les territoires qui naguère constituaient le royaume carolingien médian correspondent à ceux des pays qui, au milieu du siècle dernier, jetèrent les bases de l’Union européenne. Ce vaste programme repose sur la collaboration d’une trentaine d’institutions patrimoniales, centres de recherches, universités, musées et parcs historiques et culturels appartenant à dix pays européens. Il a pour ambition de mettre l’accent sur l’importance, pour la société européenne actuelle, de connaître le passé géopolitique de l’Europe. De même, il tend à mettre en relation le processus identitaire, lié au sentiment d’appartenance, et le dialogue interculturel, avec la (re)valorisation et la compréhension des vestiges de notre passé. La recherche est au cœur même de ce projet, qui s’applique à susciter davantage le soutien des instances dirigeantes et à accroître la participation du grand public. L’exposition, qui se tiendra en quatre lieux diférents, la route patrimoniale Francia Media et le recours aux moyens de communication les plus actuels, sont les principales composantes de ce projet « Berceaux de la culture européenne », dont les résultats seront développés à l’issue du plan européen de inancement. Le déi est immense. Notre objectif est de donner au patrimoine l’opportunité de rendre l’idéal européen plus compréhensible et plus concret, au sein d’une région caractérisée par une urbanisation extrême, une forte densité de population et une activité commerciale largement développée. Jelka Pirkovič Directrice générale Špela Karo Chef de projet CEC Dirk Callebaut Coordinateur scientiique CEC Institut pour la protection du patrimoine Institut pour la protection du patrimoine Francia Media Flandre orientale EEC culturel slovène culturel slovène L’Héritage de Charlemagne, 814-2014 7 LE PROJET « CRADLES OF EUROPEAN CULTURE » – FRANCIA MEDIA EST PLACé SOUS LE HAUT PATRONAGE DE HERMAN VAN ROMPUy, Président du Conseil de l’Europe 8 Éditorial d’Herman Van Rompuy « L’Héritage de Charlemagne, 814-2014 » Cette exposition majeure est consacrée à l’une des plus grandes igures que l’histoire européenne ait connue, l’un de ces hommes dont le nom a marqué l’époque de son empreinte tant d’un point de vue politique que culturel. En 2014 en efet, nous commémorons à la fois le mille deux centième anniversaire de la mort de l’empereur Charlemagne et le début de la Grande Guerre qui, il y a cent ans, mit notre pays et l’Europe au bord du goufre. L’on peut se poser la question suivante : Charlemagne fut-il un précurseur de l’unité européenne ? Cet ouvrage, tout comme l’exposition qu’il accompagne, mettent en lumière non seulement le personnage historique mais aussi l’héritage qu’il a laissé dans la mémoire collective. Dès le Haut Moyen Âge, Charlemagne fut dénommé « pater europae », père de l’Europe, titre honoriique qui ne fut que rarement octroyé ! En efet, le nom Europe vient du grec antique –que l’on se rappelle le mythe du taureau–, mais fut longtemps considéré comme une simple notion géographique : l’Europe désignait les territoires situés aux conins de l’Asie. C’est à l’époque de Charlemagne que l’on attribua pour la première fois le nom d’ « Européens » aux populations qui occupaient ces régions et partageaient des caractéristiques communes, une culture, une manière de vivre, dont la cour de Charlemagne à Aix-la-Chapelle fut la première manifestation. Lors de la genèse de l’uniication politique européenne, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le souvenir de Charlemagne fut un important facteur de rassemblement. Car cette uniication, en efet, s’avérait une impérative nécessité. L’empire carolingien faisait en cela igure de précurseur aux yeux des deux nations, la France et l’Allemagne, ce qui se révélait une donnée essentielle à l’issue de toutes les guerres franco-allemandes qui avaient eu lieu de Napoléon à Hitler. Les empereurs allemands qui succédèrent à Charlemagne furent couronnés sur le trône en marbre qui, de nos jours encore, se trouve à Aix-la-Chapelle. À Paris, non loin de la cathédrale Notre-Dame, se dresse ièrement une statue équestre de Charlemagne, celui-là même qui régna à une époque où Français et Allemands ne constituaient pas encore deux nations distinctes et bien avant ces luttes séculaires auxquelles les pères de l’Europe souhaitaient mettre un terme. Ce furent les petits-ils de Charlemagne qui, par le traité de Verdun en 843 divisant l’empire carolingien en trois parts, préparèrent le champ de bataille dont l’efroyable combat autour de ce même Verdun devint le symbole. En ces années d’après-guerre, on ne pouvait imaginer meilleure igure emblématique de la réconciliation franco-allemande que celle de Charlemagne. Ce qui apparaissait le plus remarquable dans ce projet, au cours des années 1950-1960, c’était le fait que les frontières des six états fondateurs de la première communauté européenne, le Benelux, la France, l’Allemagne et l’Italie, correspondaient à celles de l’empire de Charlemagne. Charlemagne ne fut-il pas le roi des Francs, celui qui établit sa cour à Aix-la-Chapelle, étendit son territoire jusqu’aux Pyrénées, soumit et convertit les Saxons à l’Ouest et se it couronner empereur à Rome ? Depuis lors, la politique européenne s’est développée et la Communauté des Six forme désormais une Union élargie à 28 membres dont les citoyens pourront, à leur tour, commémorer Charlemagne. Et il ne faut considérer ceci ni comme un luxe, ni comme « nourriture d’historien » : les Européens ne seront en mesure d’afronter l’avenir que par le biais d’une histoire partagée et mise en commun ! Je souhaite que cette exposition puisse ouvrir de nouvelles voies dans cette perspective. Que cet événement ait lieu précisément au moment même où je reçois, à Aix-laChapelle, le jour de l’Ascension, le prestigieux prix international Charlemagne en tant que président du Conseil de l’Europe est à mes yeux une raison supplémentaire de considérer 2014 comme une année mémorable, marquée du sceau de Charlemagne ! — Herman Van Rompuy, 9 avril 2014 L’Héritage de Charlemagne, 814-2014 9 Table des matières Avant-propos - Jozef Dauwe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Cradles of European Culture (CEC) - Berceaux de la culture européenne Un projet européen- Špela Karo, Jelka Pirkovič, Dirk Callebaut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Éditorial d’Herman Van Rompuy Comités pour l’exposition 2014 ............................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................................ 9 14 L’IMPERIUM ROMANUM UN EMPIRE VISIONNAIRE L’Imperium romanum, un empire doté d’une vision. Une mosaïque de communautés sous domination romaine Robert Duthoy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Pour une histoire du christianisme dans l’Europe du Haut Moyen Âge Alain Dierkens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 La problématique des migrations et de la diversité au Haut Moyen Âge et l’émergence de l’Europe médiévale Dries Tys . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 Du monde romain au monde germanique (IIIe-Xe siècle), Velzeke et ses environs Patrick Monsieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 La frontière linguistique germano-romane et l’Europe des langues Luc Van Durme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 CHARLEMAGNE, TESTATEUR DE L’EUROPE L’UNITÉ DANS LA DIVERSITÉ Charlemagne, un testateur important de l’Europe d’aujourd’hui Raoul Bauer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 Le palais d’Aix-la-Chapelle Frank Pohle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 Gloire et cruauté de Charlemagne : conquête et évangélisation des Saxons Leur intégration au sein de l’empire carolingien Daniel Peters . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113 10 L’illustre inconnu Nina Schücker . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La plénitude du Moyen Âge. Une diversité croissante Raoul Bauer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . «Descendant de Charlemagne» ou le prestige du sang carolingien Horst van Cuyck, Véronique Lambert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La couronne impériale Mechthild Schulze-Dörrlamm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La signiication de la couronne impériale Markus Hirte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les regalia impériaux Mechthild Schulze-Dörrlamm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le trésor de Mayence et les bijoux de l’impératrice Agnès Mechthild Schulze-Dörrlamm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rome et l’Europe Silvia Urbini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’Italie, Ravenne et les Ottoniens Silvia Urbini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le livre personnel du roi Isabel Kappesser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’Orient rencontre l’Occident : l’acte de mariage de héophano Isabel Kappesser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Images du pouvoir céleste et terrestre. L’Évangéliaire de Reichenau d’Otton III Nina Schücker . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Rhin, leuve-frontière ou voie de communication ? Isabel Kappesser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rome sur le Rhin : le palais de Charlemagne à Ingelheim Nina Schücker . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sebastian Munster, “Cosmographey. Oder beschreibung Aller Laenderherrschaftenn und fürnembsten Stetten des gantzen Verboden…” Philine Kalb . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Von Ingelheim des Heyligen Roemischen Reichs hal oder Grund… vo dem in den historiën viel gefunde wirt Nina Schücker . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Valkhof. Une colline stratégique à la dimension politique Hettie Peterse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’Héritage de Charlemagne, 814-2014 11 121 125 133 142 146 154 161 169 177 184 185 187 199 205 213 217 221 Une chapelle en mémoire de héophano ? La chapelle Saint-Nicolas au Valkhof à Nimègue Elizabeth den Hartog . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dorestad, l’emporium le plus septentrional de l’empire carolingien Annemarieke Willemsen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lotharingie. La Meuse Philippe Mignot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Une voie médiévale et son charroi dans les Hautes Fagnes belges Marie-Hélène Corbiau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’Escaut, leuve jadis frontière entre deux puissances politiques Dirk Callebaut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Aux portes méditerranéennes de la Francia Media. Le paysage provençal, entre héritage antique et renouveau de l’an Mil André Constant et al. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Gradišče sur Bašelj en Carniole, au Haut Moyen Âge (Slovénie) Špela Karo, Timotej Kniic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La Croatie, un Ducatum et un royaume aux frontières des Empires Maja Petrinec, Marina Vicelja . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’Europe centrale aux IXe et Xe siècles Jana Mařiková-Kubková, Jan Mařik, Luboš Polanský . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le comté de Flandre ou comment un petit territoire au sein de l’empire carolingien devint une principauté médiévale Dries Tys . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224 229 235 241 243 253 275 287 307 319 ‘VIEILLES’ AMBITIONS D’UNITÉ LES DUCS DE BOURGOGNE ET NAPOLÉON Les ducs de Bourgogne et le rêve de souveraineté Marc Boone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 327 Napoléon et Charlemagne hierry Lentz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343 Charlemagne n’est pas Napoléon Dominique Alibert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 359 12 LES GUERRES MONDIALES À CHACUN SON EUROPE ? Région-rempart : Francia Media dans l’imaginaire de la Grande Guerre Sophie De Schaepdrijver . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’archéologie et la Première Guerre mondiale Marc Dewilde, Franky Wyfels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Charlemagne et le Troisième Reich Bruno De Wever . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Charlemagne dans la conception historique du national-socialisme Janus Gudian . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le « cendrier » Charlemagne du Musée de l’Armée Jordan Gaspin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’architecture fasciste : un outil politique Maria Pia Guermandi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La fabrication fasciste de l’histoire Simone Verde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 367 372 377 383 391 395 405 L’ EUROPE EN CHANTIER La guerre froide (1946-1991) ou 45 ans de division européenne yvan Vanden Berghe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le début de l’intégration européenne : du charbon et de l’acier vers un marché commun Kaat Teerlinck, Hendrik Vos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . De l’euphorie à la crise de l’euro, l’Europe après la chute du mur de Berlin Kaat Teerlinck, Hendrik Vos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La collection d’art du parlement européen Ondina Taut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Relations artistiques entre l’Antiquité, le Moyen Âge et l’Époque contemporaine Silvia Urbini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 411 421 425 433 435 Postface Dirk Callebaut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 441 Colophon ......................................................................................................................................................................................................................... L’Héritage de Charlemagne, 814-2014 13 444 Gradišče sur Bašelj en Carniole, au Haut Moyen Âge (Slovénie) Le site archéologique de Gradišče sur Bašelj est un témoignage de la période de transition au cours de laquelle le monde romain bascula lentement, en Europe, vers le monde médiéval. Les Alpes orientales ne furent pas épargnées par les puissants courants à l’œuvre dans cette mutation qui afecta tout le continent européen entre les Ve et Xe siècles. Comme ce fut le cas ailleurs, les migrations de populations, l’afaiblissement de l’économie, l’apparition de nouvelles puissances politiques modiièrent profondément la vie dans les hautes vallées des Alpes orientales. Ces transformations sont attestées en Carniole, cette région située sur le cours supérieur de la Save, au sud du massif montagneux des Karavanke et des Alpes Kamniško-Savinjske au pied desquels s’élève la colline escarpée de Gradišče sur Bašelj (ill. 1). En raison du peu de témoignages écrits qui survécurent à ces siècles « muets », l’archéologie est l’outil d’information essentiel permettant d’appréhender les changements survenus dans ces contrées. Ill. 1. Carte de situation de Gradišče sur Bašelj et d’autres sites de hauteur en Slovénie, de la in du VIIIe jusqu’au début du Xe siècle. La Carniole, patrie des Slaves, se trouve le long du cours supérieur de la rivière Save ainsi que l’écrit l’historien lombard Paul Diacre, un des érudits de la cour de Charlemagne. Carte : © Narodni muzej Slovenije ; Ida Murgelj. L’Héritage de Charlemagne, 814-2014 275 Ill. 3. Une image LIDAR révélant, sous la surface accidentée, les ruines de l’établissement de Gradišče sur Bašelj. Celui-ci était ceint d’un mur sur trois côtés tandis qu’à l’est il était bien protégé par le profond ravin de la rivière Belica. On atteint le site en empruntant un sentier qui gravit la colline à l’ouest. En rouge, la zone fouillée en 1998. Image : © Zavod za varstvo kulturne dediščine Slovenije ; Dimitrij Mlekuž. Ill. 2. Le site archéologique de Gradišče sur Bašelj surplombe le ravin où coule la rivière Belica ; à gauche, sur un sommet, l’église Saint-Laurent, située sous le mont Storžič. Une route, qui longeait Gradišče, menait vers le passage de Bašelj, sous le mont Storžič, et plus loin vers la Carinthie (la Carantanie du Haut Moyen Âge). Photo : © Narodni muzej Slovenije ; Jože Hanc. 50 x 100 m et la topographie du terrain laisse deviner les vestiges d’un établissement (ill. 3). L’accès le plus aisé au sommet se fait par le passage au sud-ouest, d’où une autre route mène au col Bašeljski preval (1630 m) et, de là, en passant par le col Jezersko, vers la Carinthie et l’Autriche. Du sommet de Gradišče la vue embrasse l’étendue des plaines de Kranjsko polje jusqu’à la ville de Kranj —le Carnium romain et la Creina du Haut Moyen Âge— centre urbain traditionnel de la Haute-Carniole. deScrIptIon du SIte Au nord-ouest de la Slovénie, à l’ombre des lancs du mont Storžič (2132 m), la colline de Gradišče s’élève au-dessus du village de Bašelj, à une altitude de 873 m. Elle se cache derrière une colline arrondie au sommet de laquelle se dresse l’église Saint-Laurent (ill. 2). À l’est et au nord, les pentes abruptes de Gradišče tombent à pic vers le ravin creusé par la rivière Belica, tandis que le versant sud, en contrebas de la colline rocailleuse, est couvert de terrasses de nature anthropique. Le site archéologique couvre une supericie d’environ 276 leS donnÉeS hIStorIqueS Le nom de Gradišče, caractéristique, se réfère en slovène explicitement à l’existence d’un ancien établissement fortiié. La première mention connue apparaît dans un document datant de 1156, dans lequel il est écrit que dans le site de Bašelj se trouve une colline propice à l’établissement d’un château, sur laquelle, jadis, s’élevait une fortiication (… collem castro aptum in quo et quondam fuit castellum in Ill. 4. Fouilles archéologiques réalisées en 1998. Une tranchée efectuée au niveau du mur occidental a permis à l’équipe du Musée national de Slovénie de mettre au jour des vestiges remontant aux périodes de l’Antiquité tardive et du Haut Moyen Âge. On voit ici un tronçon du mur (1) sur lequel s’appuie une habitation de l’Antiquité tardive (2). Une porte s’ouvrait dans le mur (3) et deux marches en pierre menaient à l’entrée de la maison (4). Devant les marches, on distingue les restes de la couche d’incendie (5) dans laquelle de nombreux artéfacts du Haut Moyen Âge ont été récoltés. Photo : © Narodni muzej Slovenije ; Jože Hanc. loco qui Uasche nuncupatur …). La colline mentionnée sous le nom de Gradišče est également reprise dans deux documents datant respectivement de 1437 et 1454. l’établissement sur trois côtés ; sur son lanc oriental, celui-ci était solidement protégé par les parois rocheuses abruptes. Dans le mur situé du côté ouest, une porte fut découverte, en même temps que des éléments de sa structure qui avait été détruite par le feu. À côté de la porte, une construction en pierre s’appuyait contre le mur ; on y accédait, non loin de là, en montant quelques marches en pierre (ill. 4). Ces vestiges architecturaux ainsi que les trouvailles de mobilier témoignent de l’existence en ces lieux d’un établissement remontant à la période de l’Antiquité tardive, c’est-à-dire aux Ve et VIe siècles. Des fragments dispersés d’amphores méditerranéennes furent récoltés en surface, et le mortier de sable contenait des pointes de lèche ainsi que des éléments d’une armure en écailles leS rechercheS archÉologIqueS Au début du XXe siècle, de nombreux fragments de poteries furent découverts lors de la construction d’un pavillon de chasse au sommet de Gradišče. Lors de la réfection du jardin, en 1936, plusieurs objets en métal furent mis au jour. Au cours de l’été 1939, puis au printemps 1998, des fouilles archéologiques furent entreprises sous la direction du Musée national. Un mur fut découvert, qui ceignait L’Héritage de Charlemagne, 814-2014 277 278 d’un type inhabituel, représentative de la période aux alentours de 600, lorsque l’établissement fut détruit par le feu. Peu de temps après, l’établissement de Gradišče fut réédifié et ses bâtiments reconstruits, en bois cette fois, avant d’être à nouveau détruits par un incendie. En quelques endroits, l’épaisse couche calcinée recouvrait les ruines des constructions précédentes (ill. 4) ; elle contenait un grand nombre d’objets en fer et des fragments de poteries datant du Haut Moyen Âge, c’est-à-dire entre la fin du VIIIe siècle et le Xe siècle. Si la présence de bijoux et d’objets en bronze y est rare, par contre, elle contenait de nombreuses traces de céréales calcinées, en particulier des graines d’avoine, de froment, d’orge, de seigle et de millet, pour lesquelles une datation radiocarbone propose une date qui se situe entre 790 et 990. Un grand nombre d’objets furent retrouvés épars en d’autres parties du site, certains isolés, d’autres groupés. La présence de conglomérats de verre verdâtre ainsi qu’un nombre relativement important de fragments de verre pourraient indiquer l’existence d’une production verrière sur le site. Certains objets laissent à penser que le site aurait pu être occupé jusqu’au XIe siècle. Ill. 6. Évocation d’un guerrier à cheval de la seconde moitié du IXe et au début du Xe siècle, portant l’équipement du cavalier avec des éléments en métal semblables à ceux découverts à Gradišče sur Bašelj. Dessin : © Narodni muzej Slovenije ; Igor Rehar. leS objetS en fer Parmi les trouvailles faites à Gradišče sur Bašelj et datées du Haut Moyen Âge, les éléments de harnachement ou de l’équipement des cavaliers, fabriqués en fer et de grande qualité, sont les objets le plus couramment recueillis à côté des armes, des outils et autres ustensiles de la vie quotidienne (ill. 5). Les objets destinés à la cavalerie sont forgés et décorés avec habileté ; ils sont souvent inement étamés pour prévenir la corrosion. La décoration en est si  Ill. 5. Objets militaires en fer provenant de Gradišče sur Bašelj. 1-3 : éléments d’une ceinture porte-épée ; 4 : pommeau d’épée ; 5 : briquet ; 6 : alène ; 7 : hache ; 8 : couteau ; 9 : ferrure de fourreau ; 10-11 : pointes des lèches ; 12 : éperon. Dessin : © Narodni muzej Slovenije ; Dragica Kniic Lunder. caractéristique qu’il est aisé de reconnaître des ensembles stylistiques ; c’est notamment le cas pour les éléments métalliques décorant les ceintures porte-épée ou les lanières servant à ixer les éperons, ou encore les harnais de chevaux. Certains de ces objets sont inachevés, d’autres sont des produits semi-inis. La découverte d’outils utilisés pour la fabrication d’objets en fer d’une grande complexité autorise à penser qu’un forgeron de métier travaillait à Gradišče, du moins occasionnellement. Outre des armes —qui seront traitées ci-après— des objets de la vie quotidienne ont également été mis au jour, comme divers outils et autres instruments et ustensiles tels que ciseaux, couteaux, faucilles, faux, haches, socs de charrue, poignées de seaux, aiguilles, les dents d’un peigne en fer pour carder la laine ou le lin, des briquets, des clés ainsi que des casseroles en fer munies d’une poignée. L’Héritage de Charlemagne, 814-2014 279 leS guerrIerS armÉS d’ÉpÉeS On peut se faire une idée de ce à quoi ressemblait un guerrier au Haut Moyen Âge, avec ses armes et son équipement, grâce aux objets mis au jour dans les établissements ou découverts dans des sépultures, mais aussi en interrogeant les sources écrites et en examinant les représentations igurées des manuscrits enluminés (ill. 6). Un cavalier était armé d’une lance, d’une longue épée en fer et d’un couteau en fer et, pour se protéger, il portait un casque, une cotte de mailles et un bouclier. Il utilisait des éperons, ixés à ses chaussures, pour aiguillonner son cheval. Parmi les nombreux objets en fer retrouvés à Gradišče sur Bašelj, les armes sont relativement rares. Des fragments d’épées en fer sont des trouvailles exceptionnelles et Gradišče est d’ailleurs le seul site slovène à en avoir fourni. Trois pommeaux massifs ont été découverts dont l’un était encore attaché à la fusée de section rectangulaire en partie conservée (ill. 5 : 4), mais les longues lames n’ont pas été retrouvées. Ces pommeaux relèvent du type X de la typologie de Petersen, caractérisés par leur forme semi-circulaire typique et, contrairement aux épées carolingiennes plus anciennes, ils sont réalisés d’une seule pièce et ne sont pas décorés. La garde est droite, sa longueur et son épaisseur difèrent d’une épée à l’autre. Les lames, qu’elles portent ou non la marque du forgeron, sont fabriquées avec beaucoup de maîtrise. Ce type d’épée était le plus courant au Haut Moyen Âge. Souvent présent dans les tombes, on le trouve cependant peu dans les établissements ou dans le lit des rivières. Les épées de type X mises au jour en Europe centrale ont été produites par des ateliers francs dans les régions du Rhin et du Danube supérieur dès le milieu du IXe siècle, et jusqu’au XIe siècle. La présence, à Gradišče, de guerriers armés d’épées est également attestée par des fragments de ferrures de ceintures porte-épée. Une ceinture porte-épée comporte des parties métalliques décorées : boucles de suspension auxquelles l’épée est accrochée, garnitures aux extrémités des courroies, éléments de ceinture de forme rectangulaire pour assujettir le fourreau à la ceinture au moyen de lanières (ill. 5 : 1-3). Plusieurs ensembles de ce genre ont été trouvés à Gradišče sur Bašelj, chacun décoré dans un style diférent (ill. 7 : en haut à gauche), témoignant du 280 savoir-faire artisanal et de la créativité des maîtres-forgerons qui ornaient les objets en fer de décors similaires à ceux que l’on trouve sur les objets en or de grande valeur. Comme on le remarque dans les systèmes de suspension du fourreau, les ornementations répétitives ou disposées de manière symétrique (ill. 5 : 2) sont caractéristiques et rappellent celles que l’on peut observer sur les porteurs d’épées debout devant le trône du souverain dans les images des manuscrits enluminés. leS couteaux et leS flècheS Le couteau de combat est l’arme la plus commune retrouvée à Gradišče sur Bašelj (ill. 5 : 8 ; ill. 7). Il se compose d’une soie et d’une lame et est souvent muni d’une gouttière pour l’écoulement du sang ; c’était une arme ofensive largement répandue au cours des périodes mérovingienne et carolingienne. On trouve souvent des couteaux dans les tombes des VIIIe et IXe siècles où ils sont associés à l’équipement du soldat et du cavalier. Ils étaient portés dans des fourreaux en cuir, dont en général seules subsistent les garnitures métalliques (ill. 5 : 9). Certaines garnitures de fourreaux ont été réalisées avec une grande habileté et se composent de trois parties décorées (ill. 7). Une décoration similaire a été retrouvée sur d’autres objets, dont des branches d’éperons. Outre des fragments d’épées en fer et de grands couteaux de combat, quelques pointes de lèches en fer de formes diverses ont été retrouvées à Gradišče. Quelques-unes, ixées sur des fûts en bois, avaient été utilisées pour le tir à l’arc. En ce qui concerne leur typologie, on distingue des pointes à tête barbelée et pédoncule torsadé (ill. 5 : 11), des pointes à tête losangique ou foliacée ; d’autres sont munies d’une douille permettant de les ixer sur le fût (ill. 5 : 10). Il Ill. 7. Artéfacts en fer provenant de Gradišče. De haut en bas : trois éléments d’une ceinture porte-épée, un couteau, une garniture de fourreau, deux passe-courroies cruciformes pour la bride, une grande boucle de courroie, trois boucles d’éperons diversement décorées, une petite boucle de courroie, avec une armature, pour passer la lanière qui ixait l’éperon à la chaussure. Photo : © Narodni muzej Slovenije ; Tomaž Lauko.  L’Héritage de Charlemagne, 814-2014 281 Ill. 8. Éléments en fer d’un harnachement de cheval et d’un équipement de cavalier, provenant de Gradišče : deux étriers, un mors de bride et une paire d’éperons. Photo : © Narodni muzej Slovenije ; Tomaž Lauko. existe des analogies entre ces objets et ceux découverts sur d’autres sites de hauteur en Slovénie actuelle, mais aussi dans des sites de plaine et dans des tombes. leS caValIerS et leurS cheVaux Parmi les découvertes faites à Gradišče sur Bašelj, les éperons, utilisés par les guerriers à cheval pour diriger leur monture, sont relativement nombreux. Leur manufacture est d’une excellente qualité ; ils sont décorés et, la plupart du temps, étamés. Parmi plus d’une vingtaine d’éperons, la majorité se distingue par une tige courte terminée par 282 une pointe conique (ill. 5 : 12), tandis que d’autres ont une tige relativement longue (ill. 8 : en bas). L’extrémité des branches est généralement de section quadrangulaire, rarement ronde ou triangulaire. On y voit encore quelques rivets qui permettaient de ixer l’extrémité des lanières en cuir servant à attacher les éperons aux chaussures des cavaliers. Un set d’éperons comprend également une petite boucle formée d’une armature rectangulaire et surmontée d’une plaque décorée, dans laquelle on passait les lanières de ixation en cuir ; cette armature rectangulaire est le plus souvent tout ce qui subsiste des éperons (ig. 7 : en bas). Si l’on tenait compte de ces boucles et armatures, on verrait que le nombre d’équipements de cavaliers à Gradišče sur Bašelj est en réalité très élevé. A côté des armes et des éléments de haute qualité composant l’équipement des cavaliers, un grand nombre d’objets composant le harnachement des chevaux fut retrouvé à Gradišče. Parmi ces objets, on reconnaît aisément des étriers et des brides (ill. 8). Un équipement de cheval comporte également des passe-courroies cruciformes (ill. 7 : au milieu, à droite), des éléments métalliques pour la selle, de grands anneaux, ainsi que des garnitures et des embouts de courroies. Si ces derniers objets sont diicilement déinissables quand ils sont trouvés hors contexte, leur fonction, en revanche, peut être déduite de la position qu’ils occupent dans les tombes contenant également des inhumations de chevaux. La plupart du temps, seules les comparaisons avec des découvertes similaires ou avec leur représentation dans des manuscrits enluminés contemporains permettent de les identiier avec plus de certitude. Les étriers sont de diférentes formes et se composent d’un œil carré ou rectangulaire dans lequel passe l’étrivière, la courroie en cuir qui les relie à la selle, d’une base plus ou moins concave appelée plancher, ainsi que de deux branches décorées de côtes et/ou d’incisions. Les étriers en fer relativement massif et à plancher concave ofraient un meilleur appui au cavalier carolingien lorsqu’il combattait à cheval. Alors que les selles réalisées dans des matériaux organiques, donc périssables, n’ont pas survécu, de grandes boucles en fer avec un ou deux ardillons, utilisées pour attacher la sangle de selle, ont souvent été retrouvées par hasard. Parmi les plus anciens exemplaires d’étriers mis au jour à Gradišče sur Bašelj se trouve un fragment à tige torsadée qui peut être daté de la période carolingienne précoce, c’està-dire de la seconde moitié du VIIIe siècle. Mais le groupe le mieux représenté se distingue par des étriers munis de branches décorées, d’un œil rectangulaire et d’un plancher concave dont la face inférieure est renforcée par trois côtes (ill. 8 ; ill. 10 : 4). Des exemplaires analogues proviennent, pour la plupart, de sites du IXe siècle localisés dans les territoires actuels de Slovaquie et de Moravie. Le cavalier guidait son cheval au moyen des rênes qui étaient attachées au mors, lui-même inséré dans la bouche du cheval (ill. 6). De nombreux mors de bride et leurs fragments, trouvés à Gradišče sur Bašelj, sont des mors simples constitués de deux canons avec deux aiguilles, les rênes étant attachés directement au mors. Le mors avait souvent une section en forme d’étoile (ill. 8 : au milieu ; ill. 10 : 1). De tels mors de bride montrent des inluences typiques des Francs et des Vikings des Xe et début XIe siècles. Les passe-courroies étaient placés là où deux courroies de la bride se croisaient, c’est-à-dire généralement à la liaison entre le montant de bride et la muserolle, ou entre le montant de bride et la courroie frontale. Les passe-courroies découverts sur les sites de Slovénie sont cruciformes ; bien qu’ils soient rarement trouvés par paire, il y en avait probablement un de chaque côté de la bride. Ill. 9. La découverte, à Gradišče sur Bašelj, d’un trésor d’objets en fer consistant en éléments d’un équipement de cavalier et d’un harnachement de cheval, durant la campagne de fouilles de 1998. Le mors de bride, l’étrier et la paire d’éperons furent enfouis ensemble, probablement au début du Xe siècle. Photo : © Narodni muzej Slovenije ; Jože Hanc. le trÉSor d’objetS en fer En 1998, au cours des fouilles dirigées à Gradišče par le Musée national de Slovénie, un trésor d’objets en fer fut mis au jour (ill. 9). Il se trouvait enfoui au sein d’une couche d’argile, dans la partie centrale de l’établissement, les objets étant groupés à une profondeur de 30 cm. Le trésor consistait en éléments de harnachement de cheval et d’équipement de cavalier et était composé d’un mors de bride, d’une paire d’éperons et d’un étrier (ill. 10). La découverte d’un tel ensemble est d’une importance essentielle pour l’étude des équipements de cavaliers, car elle nous apprend que tous ces objets ont été en usage simultanément, à une même époque. Les trésors en fer datant du Haut Moyen Âge ne sont pas fréquents sur les sites slovènes qui ne fournissent, en général, que des instruments agricoles, ou des outils de forgerons ou destinés au travail du bois. Les équipements de cavalerie sont plus rares et le trésor de Gradišče est le seul qui contienne exclusivement un tel matériel. Cette découverte est une preuve supplémentaire du rôle important que jouaient les cavaliers à Gradišče. leS objetS en fer dorÉ et l’encenSoIr Un des cavaliers possédait un équipement de plus grande valeur : il portait des éperons en bronze décorés, tandis que la bride de son cheval était munie de passe-courroies L’Héritage de Charlemagne, 814-2014 283 Ill. 10. Objets en fer forgé, d’excellente qualité, provenant du trésor découvert en 1998 à Gradišče. 1 : mors de bride ; 2-3 : paire d’éperons ; 4 : étrier. Dessin : © Narodni muzej Slovenije ; Dragica Kniic Lunder. cruciformes et d’embouts métalliques joliment travaillés (ill. 11). Passe-courroies et embout étaient ornés de motifs de laurier, symbole de victoire et d’éternité. Leur décoration allie des incisions cunéiformes, profondes et précises et recouvertes d’une pellicule de dorure, avec un motif cranté argenté qui souligne la forme du passe-courroies. L’apparence que présente le passe-courroies cruciforme de Bašelj permet de la comparer aux éléments métalliques d’un harnachement de cheval provenant de la tombe d’un 284 prince slave qui fut inhumé à Blatnica, en Slovaquie, au début du IXe siècle. Les passe-courroies cruciformes de Gradišče ont été récemment interprétés comme parties du harnachement d’un cheval appartenant à un membre de la noblesse. Les éperons dorés de Bašelj, attributs d’une classe supérieure, présentent des analogies avec ceux découverts dans les tombes de Mikulčice, en République tchèque, ou dans celles de Biskupija près de Knin, en Croatie. Les artéfacts dorés de Gradišče sur Bašelj témoignent le SIte de gradIšče Sur bašelj en carnIole partie nord-ouest de la Slovénie actuelle et plus précisément sur le cours supérieur de la rivière Save (ill. 1). Les sources écrites sont peu nombreuses, mais quelques-unes sont iables et mentionnent la Carniole. La première est l’Historia Longobardorum (787/788-799) rédigée par Paul Diacre, qui vivait au VIIIe siècle à Forum Iulii (Cividale del Friuli). Paul Diacre rapporte que le duc lombard (dux) Ratchis et son armée envahirent le territoire de la Carniole, la patrie des Slaves (Carniola Sclavorum patria). Il fait clairement la distinction entre la Carniole et la Carantanie, une autre fédération de tribus établie dans la région slave des Alpes orientales, et qui était séparée de la Carniole par le massif montagneux des Karavanke. À l’issue des victoires de Charlemagne sur les Lombards et les Avars, les chroniqueurs francs royaux témoignèrent d’un intérêt croissant pour la situation politique au sud des Alpes. écrites à la cour franque, les Annales regni Francorum constituent une source historique authentique et digne de foi, décrivant les opérations militaires menées contre Liudewitus, dux Pannoniae inferioris, qui avait fomenté une rébellion contre la domination franque. Les habitants de Carniole établis le long de la Save (Carniolenses, qui circa Savum luvium habitant) ainsi que les tribus de Carantanie, rejoignirent le mouvement de révolte. Il est évident, selon ces deux sources historiques, que les populations qui habitaient sur le cours supérieur de la Save étaient de Carniole, une tribu (gens) slave incorporée politiquement, au plus tard vers 800, dans la marche de Frioul qui se trouvait sous domination franque. Le nom slave de la Carniole n’est plus mentionné jusqu’en 973, date à laquelle il apparaît dans deux documents de l’empereur romain du Saint-Empire, Otton II, lorsque celui-ci ofrit à l’évêque de Freising un vaste domaine situé près de Škoja Loka. Ces deux textes révèlent deux noms d’origine diférente pour Kranjska : Carniola et Creina (quod Carniola vocatur et quod vulgo Creina marcha appelatur… et …in regione vulgari vocabulo Chreine). À partir de ce moment, l’histoire de Kranjska peut être suivie, sans autre hiatus, dans les sources historiques. Gradišče sur Bašelj est situé dans la Carniole (Kranjska en slovène) du Haut Moyen Âge, qui s’étendait sur la — Špela Karo, Timotej Kniic Ill. 11. Les comparaisons les plus pertinentes concernant les remarquables artéfacts en fer doré trouvés à Gradišče, comme le passe-courroies cruciforme et l’embout de courroie, se trouvent dans les tombes de nobleen Grande Moravie, en Basse-Pannonie et en Croatie. Au IXe siècle, ces principautés slaves étaient plus ou moins politiquement dépendantes de l’état franc et sous une forte inluence culturelle carolingienne. Photo : © Narodni muzej Slovenije ; Tomaž Lauko. Ces objets font partie d’une collection privée. d’inluences carolingiennes et appartenaient sans aucun doute à un membre de la classe dirigeante carniole du Haut Moyen Âge, qui vécut à la in du VIIIe siècle ou au IXe siècle. La position sociale élevée de ce personnage fait que l’on pourrait s’attendre à découvrir la présence d’une église de liturgie chrétienne sur sa propriété de Gradišče, et cela d’autant plus qu’un encensoir en feuille de bronze, décoré d’un ilet perlé, a été découvert sur le site (ill. 12). L’Héritage de Charlemagne, 814-2014 285 Ill. 12. Encensoir retrouvé à Gradišče sur Bašelj. Réalisé en une ine feuille de bronze et déformé par le poids de la terre (à gauche), il a été reconstitué dans sa forme originelle dans un laboratoire de conservation (à droite). Il date probablement du IXe siècle. Photo : © Narodni muzej Slovenije ; Tomaž Lauko. Bibliographie Bitenc, P. & T. Kniic (éds.) 2001 : Od Rimljanov do Slovanov. Predmeti (From the Romans to the Slavs. Objects), Ljubljana. Karo, Š. 2004 : Die Typologie der frühmittelalterlichen Steigbügel aus slowenischen Fundorten, dans G. Fusek (éd.): Zborník na počest Dariny Bialekovej, Archaeologica Slovaca monographiae 7, Nitra, 165–173. 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